Rappel du chapitre précédent:Le mystère autour de la mort de Nana continue de s'obscurcir. Lucy, qui se sent obligée de fourrer son nez dans l'histoire, commence à croire que ce n'est pas un simple « suicide ». Lucy apprend que l'ex-mari de Yamato, fantôme ayant élu domicile dans son esprit, travaille comme surveillant dans son lycée. Le Week-end arrive enfin.
Vendredi, 16h12.
Lucy consulta sa montre une dernière fois. Elle se leva, et se saisit la bretelle de son sac à dos. Elle y rangea son livre et, billet en main, entra dans la train. Il faisait encore assez chaud pour rester dehors, c'est pourquoi elle venait de passer les dix dernières minutes à lire un livre policier sur le quai. Dans ce train, la chaleur était étouffante. Elle prit place au fond de son wagon, près de la fenêtre. Elle reconnut d'autres élèves, mais peu de personnes prenaient le but de 16h15 d'après Lisanna.
« Le train de 16h00 est toujours plein d'élèves du lycée. Celui de 16h15 est celui que les élèves du lycée détestent le plus. Seuls ceux n'ayant aucune croyance superstitieuses se permettent de le prendre. Et ils sont peu dans ce lycée, crois-moi ! 16, c'est 1+6, donc 7, et 7 est un chiffre bonheur. Surtout que 16 est un nombre pair.
-Il y a 3 chiffres impairs dans 16h15. Et 3 est lui même un chiffre impair... Ajouta Kira.
-Et 1+6+1+5=13. Continua Lisanna. Le comble du malheur, quoi. »
Lucy avait toujours du mal à se faire à l'idée qu'elle faisait maintenant partie d'un lycée de malade mentaux.
« Je peux m'asseoir à côté de toi ? Je crois bien que c'est mon siège... »
Elle leva les yeux. Déçue de remarquer que la personne en question était un simple pion, elle acquiesça sans conviction, et se mit à regarder par la fenêtre. Le train se mit en marche. Elle posa sa tête contre la vitre ,et ferma les yeux.
« Lucy, j'ai rempli ma part du contrat. A toi de remplir la tienne. » Entendit-elle Yamato dire.
Gardant ses paroles amers à l'esprit, elle sombra dans le sommeil. Une fois endormie, aucun bruit n'ayant pas pour but de la réveiller ne pouvait réussir l'exploit de lui faire ouvrir les yeux. Elle sentit à peine le train se mettre en marche, le bébé se mettre à pleurer, ou son téléphone sonner. Elle se réveilla seulement après avoir ressenti cette impression désagréable de manquer une marche. Encore. Ce rêve commençait légèrement à l'agacer. A tel point que la première chose qu'elle fit en se levant, fut regarder son voisin de travers. Il la regarda avec incompréhension, mais elle se contenta de souffler. Une chance qu'il ait l'air aussi simple d'esprit, et qu'il ne s'en accommoda pas. Il se contenta de hausser les épaules, une expression confuse sur le visage. Agacée, elle sortit son téléphone portable pour voir l'heure. Elle se tourna ensuite vers lui. Mue par une force qu'elle ne contrôlait pas, elle se tourna vers lui, et lui demanda ce qu'il faisait dans la train. Il la regarda avec curiosité, puis sourit.
« Mêmes les surveillants ont une vie en dehors du lycée, tu sais ? » Lui apprit-il en rigolant.
Elle essaya de se retenir de le regarder de travers.
« Tu es vraiment lunatique toi tu sais ?
-C'est toi qui m'as fait parler ? Pensa Lucy avec un maximum d'agressivité.
-Euh... Excuse-moi Lucy, je sais que tu détestes quand on s'impli-...
-Je ne sais absolument pas comment tu as réussi à faire ça, mais je te promet que si tu refais quoi que ce soit de ce genre... »
Elle ne termina pas sa phrase, la laissant en suspens pour qu'elle ait plus d'impact. Yamato se mit à baragouiner des propos incompréhensibles, auxquels Lucy ne prêta aucune attention. A côté d'elle, le gars ne semblait s'être rendu compte de rien, malgré le manque de contrôle que Lucy avait sur ses expressions faciales durant toute leur petite discussion. Il ajouta même, comme si ça l'intéressait :
« Normalement je rentre chez ma mère, mais il faut que j'aille voir ma... Ma femme. »
Lucy acquiesça, faisant semblant d'être intéressée par ce qu'il venait de dire.
« Mais-... Comment... » Entendit-elle résonner dans sa tête.
Elle avait un jour rencontré un hôte. Sa mère avait fait des pieds et des mains pour le trouver, pour qu'il puisse donner des conseils à Lucy pour qu'elle supporte et accepte sa condition. L'homme d'une trentaine d'année lui avait souri, et lui avait dit qu'elle ne devait pas avoir peur des esprits. Que les humains étaient bien plus effrayants. Il lui avait dit qu'elle aurait beaucoup à faire car « Quand ils croient les morts partis pour toujours, les humains dansent. ». Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre exactement où il voulait en venir. Elle ne put s'empêcher de fixer le surveillant avec dégoût. Puis tourna la tête vers la fenêtre. C'était normal de se remarier après la mort de son ex-femme. Il ne resterait pas veuf et célibataire toute sa vie, pas vrai ? Pourtant, pour elle, pour qui la logique n'avait plus rien d'une vérité absolue, ça n'avait rien de normal. Avec toute l'immaturité d'une adolescente qui ne comprenait pas encore grand chose à la vie, elle trouvait le fait d'avoir oublié aussi facilement celle qui avait été sa femme cruel et inhumain.
~***~
Le train s'arrêta. Elle leva la tête de son livre, dépaysée, et retira un écouteur de ses oreilles. Elle sortit son téléphone et appuya sur le bouton à droite. L'écran s'alluma, indiquant 16:52. Elle se tourna vers son voisin, qui lisait avec passion un magazine censé contenir le programme télé. Elle lui tapa l'épaule, et il se tourna vers elle.
« On est arrivé à Tokyo ?
-Non. On fait simplement une escale pour déposer quelques passagers. »
Elle acquiesce d'un air absent. Le surveillant pose son magazine sur la « table », entre leurs sièges et les sièges face à eux. Il enleva sa sacoche et se leva. Il posa le petit sac à bandoulière sur son siège, et quitta le wagon. Lucy regarda le sac quelques instants, puis se tourna vers la fenêtre.
« Il faut absolument que tu tiennes ta promesse Lucy! »
Lucy soupira lourdement, et repoussa quelques mèches de cheveux en arrière. Sa mère la qualifiait souvent de « bête sauvage », lorsqu'elle était de mauvaise humeur. Apparemment, son expression renfrognée et ses sourcils froncés presque tout le temps donnaient cette impression. Lorsqu'elle était réellement dans ses mauvais jours, sa mère allait jusqu'à l'appeler Mowgli. Si sa mère avait été à côté d'elle à cet instant, c'est sans doute par ce surnom qu'elle l'aurait appelée. Un petit tic fait bouger sa narine droite. Lucy remet l'autre écouteur. La musique camoufle les paroles de Yamato. Elle sort un roman policier de son sac, et l'ouvre là où elle l'avait laissée.
~***~
Lucy met un pied sur le quai. Elle s'étira, et fit quelques pas. Ses jambes étaient ankylosées, parcourues par des fourmillements très peu agréables. Le surveillant sortit à son tour du train. Il avança dans la direction de la sortie de la gare. Lucy l'observa un moment. Elle était intriguée. Par impulsion, elle se mit à le suivre. Elle voulait savoir ce qu'il en était vraiment. D'après Yamato, sa mort devait avoir lieu quelques mois auparavant. Quelque chose la dérangeait, sans qu'elle ne sache quoi exactement. Gardant une distance respectable, elle suivit l'ex mari de Yamato. Une pensée furtive la traversa. Une image et une odeur, également. Une image et une odeur de tartes à la framboises. Sa mère l'attendait. Elle s'immobilisa au milieu de la gare, un peu perdue. Elle regarda autour d'elle. Mais que faisait-elle ? Pourquoi suivait-t-elle un inconnu ? Pour aider un fantôme ? Pourquoi la gare, qui lui était pourtant familière, lui renvoyait l'image d'un environnement inconnu ? Elle recula jusqu'à se cogner contre le torse de quelqu'un. Elle se retourna brusquement, prête à s'excuser, quand elle croisa le regard rassurant de son père. Presque inconsciemment, elle sourit, soulagée. Elle lui tendit sa valise, et il la prit sans un mot. Ils se dirigèrent ensemble vers la sortie opposée à celle par lequel le surveillant venait de sortir. Lucy se tourna une dernière fois dans cette direction. Elle ne changeait pas. Elle évoluait. Mais cela lui faisait encore plus peur.
~***~
Elle poussa la porte d'entrée. Une odeur familière la fit sourire. Sans réfléchir, elle courut vers la cuisine. Sa mère était en train d'enlever ses gants de cuisson. La tarte à la framboise sur le comptoir n'attira presque pas l'attention de Lucy. Elle se précipita vers sa mère, la faisait presque basculer en arrière. Cette dernière se mit à rire, et rendit son étreinte à sa fille. Le rire de sa mère sonnait comme une douce mélodie aux oreilles de notre blonde. Elle ferma les yeux, laissant la musique la transporter. Home Sweet Home.
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« Je veux connaître tous les détails ! » Lui dit sa mère en lui tendant une assiette.
Lucy se mit à rire en voyant son père lever les yeux aux ciels.
« Je t'ai déjà tout dit au téléphone. »
Devant l'expression déçue de sa mère, elle ne put s'empêcher de se mettre à rire.
« Je vois que cette école a une très bonne influence sur toi ! Tu ris de bon c½ur tellement facilement ! »
Le sourire de Lucy se fana lentement. Un changement aussi soudain et brusque ne pouvait rien apporter de bon. Et elle y connaissait un rayon niveau changement soudain de comportement:l'adjectif qui la qualifiait le mieux était lunatique.
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Lucy, après avoir regardé un film avec ses parents, monta dans sa chambre. Elle s'allongea sur son lit et trouva vite le sommeil. Son rêve était peuplé de créatures magiques. De centaures, de licornes ou encore de lutins malfaisants. Elle était assise sur une chaise, et regardait tout ce qu'il se passait autour d'elle. Plusieurs personnes étaient assises en cercles autour de cette chaise. Leur peau translucides contrastait fortement avec la densité de la forêt dans laquelle se déroulait ce rêve. Elle pouvait voir Melissa, et en déduit que tous les fantômes étaient des fantômes qui l'avaient habités depuis l'Incident. Elle prit une mèche de cheveux blonds entre ses doigts. Ils se colorèrent en bruns, à sa plus grande surprise. Ses yeux s'ouvrirent brusquement. Elle se mit à haleter. Sans comprendre pourquoi elle s'était réveillée, ni pourquoi elle avait eu cette réaction à son réveil. Elle essuya ses yeux, d'où quelques larmes venaient de couler. Elle détestait se sentir ainsi. Comme si quelque chose pesait lourd sous son c½ur, qu'elle était une énigme pour son propre esprit, ou que ses pensées ne la menaient à rien. La frustration qui en résultait était telle qu'elle avait envie d'attrapper tout ce qui lui passait par la main, et de le jeter sur le mur. Depuis combien de temps est-ce qu'elle n'avait pas eu une telle crise ? Depuis le début de l'année, elle avait réussi à se contrôler assez. Elle ne comprenait pas pourquoi tout lui semblait si étrange à présent, dans cette maison qui représentait pourtant son repère principal. Sa grande ours. Pourquoi est-ce qu'elle avait l'impression d'être en vacances chez ses parents. Elle observa la lune par la fenêtre. Elle redoutait son retour à l'Internat. Elle ne se sentait pas capable d'avoir à affronter la vérité. Le seul endroit où on ne se moquait pas d'elle, où elle avait l'impression d'avoir entièrement sa place, c'était dans cet endroit où on l'acceptait telle qu'elle est. C'était Fairy School. Sentant un nouvel accès de colère la traverser, elle ouvrit le tiroir de son bureau et avala un cachet blanc. Elle ne se sentit pas tout de suite mieux. Mais après une dizaine de minutes, sa colère commençait à se calmer, et ses paupières à devenir lourde. Elle sombra dans le sommeil.